Nous avons
lancé la question comme une enquête
aux poètes des deux côtés de
notre miroir - une enquête qui fût si
possible l'opposé d'un sondage : à
chacun d'interpréter le sens de la question,
à chacun de trouver sa réponse
adéquate.
La
diversité des réactions n'a pas lieu
d'étonner ; leur
richesse en revanche mérite le plus grand
intérêt. Ici la poésie tend
vers un absolu, quête de l'innommé, de
l'inaccessible ou remplacement d'un Dieu
vieillissant, là elle sonde l'humain dans
son intimité, se fait parole de femme ou
chantre de l'humanité. Ici elle
s'inquiète de ses fréquentations
douteuses, de ses succès bon marché,
là elle se réjouit de sa nature
d'hypertexte servi par Internet ou des
possibilités que lui offre la prose comme
moyen privilégié d'expression. Ici
elle tape contre le système, là elle
n'a que l'art en tête.
Elle a
aussi à redire de la question : parce
qu'avec l'âge les certitudes ont tendance
à se volatiliser, parce qu'elle ne veut pas
se laisser enfermer, parce qu'elle aime l'aventure,
et que l'aventure justement ça reste
ouvert.
Et
parlons de la langue. Comment se dit «
poète » en arabe ? Comment se
détacher des modes et
contre-modes ? Comment
débusquer les faux amis, et faire entrer de
l'être dans les mots ?
Les
réponses renvoient les unes aux autres, pour
se fustiger mutuellement ou pour faire un bout de
route ensemble. Il n'est pas exact que la
poésie n'aille nulle part. Elle dispose
plutôt, comme chacun, d'un horizon de
360 degrés, et ne se prive pas de
l'explorer, même si elle pense parfois que
c'est un peu restreint.
La
poésie ne va nulle part, elle va
partout...
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